La mauvaise foi suicidaire dans L’ingratitude (1995) de Ying Chen : comment se libérer des legs du passé ?
Résumé
L’article explore le tissu de mensonges et de mauvaise foi dans lequel la protagoniste et narratrice du roman L'ingratitude de l’autrice québécoise Ying Chen se trouve piégée, à une échelle tant identitaire que discursive. Soumise aux attentes et projections de sa mère, à ses blessures et à leurs récriminations mutuelles, soumise aussi à une vie centrée sur l’être-pour-autrui, elle ne peut se libérer et se réaliser en tant que sujet actif qu’en recourant au suicide, soit à l’auto-négation ultime. Si au niveau de l’histoire, cet acte de déni paradoxal et profondément mensonger signifie l’échec final, le roman, en recréant une situation d’énonciation post mortem, permet toutefois au “moi” de s’aliéner, voire se libérer des contraintes existentielles, et d’adopter une perspective de réconciliation, au-delà des mensonges, en explorant une subjectivité ouverte, plurielle et mobile dans l’acte d’écriture autofictionnel. À travers le parallèle qu’il établit entre la filiation parentale et l’héritage culturel, le roman ouvre à un aspect collectif : l’étude des enchevêtrements de ces patrimoines autobiographiques et collectifs conflictuels s’inscrit non seulement dans le paradigme de la littérature migrante, mais également dans un courant de littérature post-québécoise qui, selon les termes de Monique LaRue, se caractérise par la dialectique de l’arpenteur et du navigateur, l’enracinement et l’ouverture au monde.
Mots-clés
2012 | Revue critique de fixxion française contemporaine | (ISSN 2033-7019) | Habillage: Ivan Arickx | Graphisme: Jeanne Monpeurt
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