(Re)créer l’histoire des femmes. La biofiction au service du genre | ||
Ceci n’est pas une biographie, ni un roman naturellement [...]. Il fallait que ma mère, née dans un milieu dominé, dont elle a voulu sortir, devienne histoire, pour que je me sente moins seule et factice dans le monde dominant des mots et des idées où, selon son désir, je suis passée.[1] | ||
1 | À la suite des travaux d’Alain Buisine, la biofiction[2] invite à explorer les fictions littéraires de forme biographique, qu’il s’agisse de la vie d’un personnage imaginaire ou de la vie imaginaire d’un personnage réel et/ou historique. C’est cette seconde catégorie qui retient ici notre attention. Les réflexions portant sur la condition féminine aux XX | |
2 | La présente réflexion s’attachera à quelques auteur.trice.s relevant le défi de la biofiction au féminin, à l’instar de Maryse Condé, Assia Djebar, Marek Halter ou Christa Wolf, qui donnent littéralement vie au vécu social des femmes de l’ombre, retraçant ainsi des généalogies de mères fondatrices du genre féminin. La naissance de la subjectivité est centrale dans ce corpus d’étude, semblant faire écho au chant du Mouvement de Libération des Femmes, “nous sommes sans passé, nous n’avons pas d’histoire”. La dimension militante est à prendre en compte dans ces biofictions, car elles révèlent de prises de position quant à la condition féminine. Le choix même des figures qui feront l’objet de ces mises en biofiction démontre une visée édifiante de la part des auteur.trice.s. | |
Généalogie féminine ou le silence de l’Histoire : discussions théoriques | ||
3 | “S’il est une forme littéraire qui, par excellence, rencontre le mythe, c’est certainement la biographie, et a fortiori l’autobiographie. En effet, tout comme le mythe, ces genres littéraires se consacrent aux actions de personnes considérées comme mémorables”[5]. Ces propos de Dominique Kunz Westerhoff peuvent être étendus et déplacés aux liens entre mythes et biofictions. Ces dernières regroupent tout texte littéraire dont le cadre narratif s’inscrit dans la biographie, qu’il y ait, ou non, un référent historique réel. Ces récits de vie mêlent référence et fiction, autour de caractéristiques formelles récurrentes comme le rappelle par exemple Alexandre Gefen : “narration à la troisième personne, homothétie du temps de la diégèse et du temps du récit”[6], qui les distinguent donc des autofictions. Pour notre part, nous rejoignons la définition plus vaste proposée originellement par Alain Buisine en y intégrant des biofictions à la première personne. Nous ne retenons pas l’énonciation comme étant discriminante, car c’est la mise en récit chronologique de la vie d’un individu particulier qui est avant tout à l’œuvre. Il s’agit donc, pour nous, d’envisager les textes dans lesquels sont peintes des vies humaines et dont la forme est interrogée par les auteur.trice.s. Mythes et biofictions font donc revivre les commencements d’un individu, ainsi que les parcours qui s’en sont suivis. C’est la construction d’un moi, de sa réalité et son étiologie, qui se trouve au centre des œuvres biofictionnelles. Notre approche s’appuie sur l’hypothèse d’une quête des origines dans les biofictions retraçant le parcours de figures féminines mythiques. Paul Ricœur, dans La philosophie de la volonté (1960), en rattachant le mythe à l’histoire des religions rappelle sa fonction de récit traditionnel : | |
En perdant ses prétentions explicatives, le mythe révèle sa portée exploratoire et compréhensive, ce que nous appellerons plus loin sa fonction symbolique, c’est-à-dire son pouvoir de découvrir, de dévoiler le lien de l’homme à son sacré. Aussi paradoxal qu’il paraisse, le mythe, ainsi démythologisé au contact de l’histoire scientifique et élevé à la dignité de symbole, est une dimension de la pensée moderne.[7] | ||
4 | Ce ne sont d’ailleurs souvent que quelques lignes sources, ou des informations somme toute assez vagues, qui donnent naissance à la mise en biofiction. Christine Planté, mettant en garde contre une surinterprétation des sources biographiques des autrices, spécifiait qu’une dérive tient au travail de beaucoup de biographes qui “se sont autorisés du manque de sources, de l’idée que, dans une vie de femme, les événements ne sont pas ce qui compte et que la vérité en demeurera de toute façon insaisissable, pour user d’extrapolations, de projections psychologiques ou romanesques”[8]. Or, justement, les biofictions féminines s’appuyant sur des figures mythiques, se placent, pour certaines d’entre elles, dans ces interstices de l’histoire des femmes. Ce faisant, elles procèdent d’une double démarche : 1) elles comblent les silences historiques et culturels autour des figures féminines ontologiques – ou présentées comme telles ; 2) elles soulignent et interrogent les processus d’invisibilisation, de minorisation et de réappropriation. Dans notre corpus d’étude, il est, en premier lieu, à préciser que la mise en biofiction repose sur une volonté des auteur.trice.s de donner vie au parcours de ces figures mythiques qui se voient (ré)investies par des subjectivités féminines. Pourtant, si ce parcours biographique est au centre de l’écriture, c’est une esthétique du fragment et de l’éclatement qui y préside. Comme le souligne Damien Fortin : | |
En somme, la “fiction biographique” ne cherche pas à restituer à travers une narration historique la chronologie des événements d’une vie : loin d’adopter la continuité linéaire qui cautionne le principe de causalité et l’illusion rétrospective de cohérence, elle livre la biographie d’un “moi” dispersé et volatile, où s’entremêlent les antiques mythologies et les mythes personnels.[9] | ||
5 | Ceci apparaît d’autant plus vrai et fréquent que la figure interrogée par la biofiction est celle d’une femme. Leurs vies sont reconstituées petit à petit et le lectorat en vient à reconstituer un puzzle dont le tableau d’ensemble interroge la doxa : elles ne sont pas ce que la postérité a gardé d’elles. Ce morcellement des biofictions féminines nous paraît un élément d’analyse primordial, tout procède comme si ces figures en arrivaient à remettre en question l’énonciation linéaire de leurs vies. Réécrire ces identités féminines, notamment dans une perspective féminine, voire féministe (chez Maryse Condé ou Christa Wolf, notamment), semble reconfigurer la narration pour permettre à la figure mythique d’advenir au texte. | |
6 | Le second élément à souligner est la récurrence de la mise en œuvre littéraire de généalogies féminines dans ces biofictions. Ne l’oublions pas, les mythes, qu’ils soient grecs, latins, chrétiens ou arabo-musulmans, donnent à voir les généalogies fabuleuses créatrices d’une civilisation et d’une culture. Or, les mythes fondateurs sont volontiers masculino-centrés, que l’on pense à Romulus et Rémus, à Abraham, à Jason, ou encore à Œdipe. Les figures féminines apparaissent certes dans les mythes, mais elles y tiennent souvent des rôles secondaires et, si elles sont bien des figures mythiques, elles n’ont pas de mythes en propre. C’est notamment le cas de Médée qui, issue de la mythologie grecque, joue un rôle déterminant dans le mythe des Argonautes. De même, les généalogies mythiques et religieuses inscrivent de manière visible et manifeste les personnages masculins, telle la Bible qui restitue l’ascendance des patriarches (dont les femmes sont absentes) : | |
Adam vécut cent trente ans : à sa ressemblance et à son image, il engendra un fils qu’il appela Seth. Après qu’Adam eut engendré Seth, ses jours durèrent et il engendra des fils et des filles. Adam vécut en tout neuf cent trente ans et mourut. Seth vécut cent cinq ans et engendra Enosch. Après avoir engendré Enosch, Seth vécut huit cent sept ans et engendra des fils et des filles.[10] | ||
7 | De ces généalogies, l’absence des femmes est criante, mais elle est aussi le révélateur de la manière dont sont pensées les lignées dans les sociétés patrilinéaires. Le patriarche engendre des fils et des filles, mais – dans un intéressant renversement opéré par le discours – seuls les mâles engendrent à leur tour. Or, comment penser les identités féminines hors de toute histoire et de toute origine ? La linguiste Luce Irigaray attirait l’attention de la critique sur cette nécessité d’ontologie des femmes dès les années 1980 : | |
Je pense qu’il est nécessaire […], que nous affirmions qu’il existe une généalogie de femmes. […]. Cette généalogie de femmes, étant donné que nous sommes exilées (si je puis dire) dans la famille du père – mari, nous l’oublions un peu trop ; voire nous sommes amenées à la renier. Essayons de nous situer pour conquérir et garder notre identité dans cette généalogie féminine. N’oublions pas non plus, que nous avons déjà une histoire.[11] | ||
8 | Pour retrouver cette histoire qui est le fondement des identités individuelles et collectives des femmes, il convient donc de retrouver une origine positive et méliorative. Réinscrivant les femmes dans des lignées féminines, dont l’histoire n’a pas gardé trace, les biofictions interrogent les commencements. Dans la perspective ouverte par Mircea Eliade, nous considérons le mythe comme une ontophanie. Les genèses de soi dépeintes dans les biofictions présentées à l’étude donnent à voir les destins extraordinaires de personnages au demeurant ordinaires. Là se joue un des éléments forts d’analyse : les auteurs et autrices retracent des parcours qui appartiennent à des univers communs et partagés. Ce ne sont pas des personnages féminins privilégiés qui s’élèvent au rang de mythes, mais des figures engagées pour la condition humaine en général et la condition féminine en particulier. | |
Interroger la subjectivité féminine | ||
9 | Recréer une histoire qui lie étroitement identités individuelles et collectives des femmes nécessite certes d’offrir une relecture des mythes d’origine, mais aussi et surtout de les retravailler au prisme du genre féminin. S’il y a certes réappropriation des mythes par les auteur.trice.s étudié.e.s, c’est surtout la mise en récit fictionnel et les transformations de l’histoire qui nous intéressent ici. Ainsi, il ne s’agit pas tant de s’attacher à la présence ou à l’absence des mythes fondateurs faisant entrer en jeu des figures féminines, mais plutôt de voir quelles interprétations en sont faites. Que ce soit Ève qui fonda malgré elle la matrilinéarité de la Faute, Pandore qui fit tout perdre à l’Homme hormis l’espérance ou encore Électre qui, dans un autre registre, permit la mort de sa mère sans être inquiétée par la justice divine, ces figures mythiques portent en elles une connotation de Faute et de danger ; néanmoins, elles sont avant tout des créatures – au sens étymologique du terme creatura, des actes de création. | |
10 | Commençons par nous intéresser à Ève, en tant que première femme dans la pensée chrétienne. L’écrivain Marek Halter explore les grandes figures féminines des religions monothéistes dans une série de romans intitulée La bible au féminin. Il y donne vie à trois femmes dont les destins ont marqué l’histoire des religions : Sarah (2003), épouse d’Abraham, Tsippora (2004), épouse de Moïse, et enfin Lilah (2005), guide des juifs au retour de Babylone. À cette première trilogie s’ajoute celle des Femmes de l’Islam, se livrant à la mise en biofiction des Khadija (2014), épouse du prophète Mahomet, Fatima (2015), la fille de ce même prophète, et Aïcha (2015) qui fut la troisième épouse de Mahomet. Marek Halter s’est également attaché aux parcours individuels de la Reine de Saba (2008) et d’Ève (2016). L’auteur explicitera à de nombreuses reprises ses motivations en attirant l’attention du lectorat sur l’absence de textes sacrés consacrés aux femmes : | |
C’est vrai, il y a des manques qui proviennent de la rédaction de ces textes. Ont été écartées, au cours des siècles, trois sortes de récits : d’abord, ceux qui pouvaient éventuellement désespérer l’humanité par leur pessimisme ; ensuite, ceux qui, trop compliqués, risquaient de détourner le croyant du vrai Dieu ; enfin, ceux des femmes. Au premier siècle, la femme est la procréatrice, la responsable du foyer et elle est écartée des affaires.[12] | ||
11 | Effectivement, les discours théologiques ont aussi été touchés par des processus d’invisibilisation qui ont frappé les femmes dans de nombreux domaines, qu’on pense aux domaines politiques (Coulomb-Gully, 2016) ou encore littéraires (Reid, 2020). Ses romans procèdent de l’exploration de figures féminines ontologiques, dont pourtant les exégètes ne se sont pas emparés[13]. Si l’on se penche sur Ève la dimension d’interprétation et de subjectivationnelle de la biofiction prend tout son sens. Judith Butler, dans le sillage de la pensée de Michel Foucault, souligne les processus à l’œuvre dans l’écriture de soi : “dire la vérité sur soi a un prix, et ce prix équivaut à la suspension de la relation critique au régime de vérité dans lequel on vit”[14]. C’est une même suspension qui préside à la mise en biofiction des mythes féminins. En détournant la célèbre notion althussérienne, il y a là interpellation : l’auteur.trice rend compte narrativement d’un moi (la figure féminine) parce qu’il.elle est y invité.e par l’Autre, ici le silence social qui entoure l’Histoire des femmes[15]. S’en suit alors un récit cohérent de l’histoire de la formation de ce moi et de son accès à la subjectivité. Bien entendu, ni la Bible ni le Coran ne font état d’une psychologie du personnage ; c’est aux exégètes qu’est revenue l’interprétation des textes sacrés. Il faudra attendre Saint Augustin pour que l’expression “péché originel” apparaisse, au iv | |
- Si ta faute ne nous avait pas chassés du jardin, Caïn et Abel seraient ici, vivants, comme Seth. Le bonheur serait tout entier. | ||
- De quel bonheur parles-tu Adam ? L’Éden ne contenait aucun bonheur. La vie n’y était pas vivante. C’est moi, Ève, qui a engendré le véritable vivant. YVHV ne m’a-t-il pas appelée “Ève, mère des vivants ?”. Et toi, le désir de la vie, tu ne l’as pas connu avant que nous arrivions ici, hors de l’Éden. Avant, tu n’étais que du parfait dans le parfait. Mais un jour, grâce à moi, dans le jardin, tu as dit à YVHV : “je suis nu, quelle honte. La femme m’a mis à nu”. Et voilà, pour la première fois, en même temps que la nudité, le goût de la vie…[17] | ||
12 | C’est finalement, au-delà de la question du péché originel, que se joue la discussion autour du geste d’Ève : en croquant la pomme et en la faisant croquer à Adam, elle a permis l’accès à la connaissance et à la vie humaine telle que nous la connaissons : | |
Dans le jardin, tout était là, parfait. Le temps, je vous l’ai dit hier, Adam vous l’a dit, le temps ne passait pas sur nous. Surtout pas sur lui, Adam. Sur moi, finalement, YHVH l’a laissé passer un peu, oui, puisque j’ai pu penser à ce qui n’existait pas encore. Alors m’est venu le désir de la connaissance, qui est le fruit du temps.[18] | ||
13 | C’est là, dans la pensée augustienne, que se trouve l’interprétation que fait Marek Halter de la figure biblique : elle est l’origine d’une pulsion fondamentale de l’Être humain, la libido sciendi. Si Pascal en fait une des trois concupiscences résultant du péché originel, cette biofiction tend à la transformer en caractéristique positive portée par la figure d’Ève. Ce faisant, la subjectivité prêtée à Ève dans cette biofiction brise le monolithisme des représentations et des stéréotypes en y adjoignant une caractéristique éminemment positive en contrepoint. Il convient de préciser qu’il ne s’agit pas de remplacer une lecture par son contraire, mais de nuancer les figures mythiques en explorant, de manière simultanée, les multiples interprétations possibles. Nous postulons ici, dans la lignée de Jacques Derrida, que l’archi-écriture du mythe le rend indécidable : il y a dissémination, car justement le sens se détache de la parole. Ève est à la fois la porteuse de la connaissance à l’Humanité et à l’origine de la matrilinéarité de la Faute. | |
14 | C’est un même phénomène que nous retrouvons pour la figure de Médée. Nombreuses[19] sont les réécritures du mythe ; une d’entre elles est particulièrement intéressante sous l’angle des biofictions, celle de Christa Wolf, Medea. Stimmen (1996). Le choix de cette œuvre repose sur l’écriture résolument féministe de l’autrice, qui interroge dans son œuvre les représentations des femmes. Se référant à des sources antérieures aux textes classiques d’Euripide et de Sénèque, l’autrice retravaille son personnage et s’écarte nettement de la figure de la meurtrière pour ne garder que le sens contenu dans le prénom grec Mḗdeia, Μήδεια, qui signifie celle “qui est de bon conseil” ; med se traduisant par capable de soigner, de s’occuper de – radical que nous retrouvons dans médecine, par exemple. “Comme signe, le Nom propre s’offre à une exploration, à un déchiffrement [...]. C’est un signe volumineux, un signe toujours gros d’une épaisseur touffue de sens, qu’aucun usage ne vient réduire, aplatir”[20], nous rappelle Roland Barthes. Dès lors, il est impossible de faire l’économie du sens dénoté, Christa Wolf faisant entendre la voix de sa Médée. Son œuvre réexplore la vie de Médée et interroge l’interprétation traditionnelle du mythe : y est notamment exploité le doute qui persiste, y compris à un niveau académique, quant à l’infanticide commis par Médée. Serait-il possible que Médée soit innocente de ce dont on l’accuse ? | |
Le motif de l’infanticide sous la forme que l’on rencontre chez Euripide ne se trouve très vraisemblablement que dans la tragédie de 431 [av JC] avec Médée en vengeresse meurtrière. [Dans une scholie] […] Pindare au contraire rapporte la tentative de Médée de garantir à ses enfants la promesse d’immortalité faite par Héra. Elle échoue en raison de l’intervention intempestive de Jason. Selon une autre version, Médée ne tue certes pas ses enfants mais empoisonne, pour des raisons non transmises, Créon ; dans la fuite de Corinthe qui s’ensuit, elle place ses enfants dans le sanctuaire de Héra où elle les croit en sûreté. Ce sont les Corinthiens qui les tuent.[21] | ||
15 | Sous la plume de Christa Wolf, Médée ne volera pas la Toison d’or, ne quittera pas la Colchide avec Jason (mais par conviction politique), ne tuera pas ses enfants (mais les confiera au temple d’Héra, où ils seront mis à mort lors d’une révolte populaire qui la croit coupable de l’épidémie de peste), et ne jalousera pas Glaucé, la fille de Créon (mais la soignera). Les faits demeurent, mais l’éclairage que leur confère cette fiction biographique est radicalement différent : l’œuvre de Christa Wolf s’analyse à la fois comme un roman féministe et une dénonciation des mensonges étatiques. Il s’agit d’un roman polyphonique qui fait entendre onze monologues pris en charge par six personnages différents, dans l’ordre suivant : Médée / Jason / Agamède / Médée / Akamas /Glaucé / Leukos / Médée / Jason / Leukos / Médée. Cette polyphonie permet de revenir sur la vie de Médée, d’interpréter son sens et finalement de réinterroger le mythe. Notons que la narration ne couvre que quelques semaines, mais que les interventions des personnages – et surtout de Médée – permettent de retourner à une Médée des origines. Comme l’indique le sous-titre de l’œuvre, Stimmen, ce sont des voix qui construisent ici la vraisemblance de l’histoire de Médée, comme autant de témoignages portant sur qui est Médée. Là aussi se joue une tension entre faits avérés et réalités subjectives qui sont, finalement, dans l’écriture de Wolf, définies comme constructions discursives – tout comme l’est l’identité monolithique de Médée infanticide. Medea. Stimmen instaure un dialogue avec les autres versions du mythe, notamment par le biais des citations figurant en exergue de chaque “prise de parole” et c’est là que l’opinion commune se voit battue en brèche. À la conception de Médée comme bouc émissaire de la violence, Christa Wolf rétorque en exergue du chapitre 7 (qui fera entendre le témoignage de Leukos) par une citation provenant de La violence et le sacré (1972) de René Girard : “les hommes veulent se convaincre que leurs maux relèvent d’un responsable unique dont il sera facile de se débarrasser”[22]. Et voilà Médée, qui soignait les malades de la peste, accusée d’être à l’origine du fléau dans la ville. Dès lors, si Médée ne tue plus ses enfants, que reste-t-il de cette figure mythique ? Peter Radkte y répond par anticipation : | |
Eine Medea ohne Mord ist wie ein Sisyphos ohne Stein, ein Siegfried ohne Drachen oder ein Ödipus, der seinen Vater am Leben lässt und keine Lust hat, seine Mutter zu heiraten. Wer Medea den Mord nimmt, verkleinert sie: er macht aus einem Mythos eine Mama.[23] | ||
16 | Dans notre perspective, il ne s’agit pas ici d’une réduction (die Verkleinung) du mythe, mais de la prise en compte d’une dimension féminine de l’œuvre : Médée, en plus d’être un personnage mythique, est aussi et surtout une construction sociale. Et en cela, son histoire peut être repensée. | |
17 | Il y a ainsi “un souci de réhabilitation des figures opprimées par le pouvoir et délaissées par l’Histoire”[24], et surtout par une histoire avant tout masculine. Interroger ces figures féminines par le biais des constructions des genres permet de briser la lecture péjorative qui en est faite. Ève n’est plus seulement à l’origine de la Faute et Médée n’est plus le monstre qui a tué ses propres enfants : elles recèlent toutes une complexité qui restitue et replace leurs identités dans une histoire positive des femmes – leurs descendantes ne sont donc pas mauvaises par nature. | |
Toute ressemblance avec une résistante existant ou ayant existé… | ||
18 | Nous nous intéressons maintenant au passage de personnages historiques ayant existé à des figures mythiques. Là aussi, il s’agit de réfléchir en termes d’écarts entre référent et fiction. S’il est certain qu’une figure mythique se caractérise par “sa malléabilité, sa plasticité, sa surdétermination”[25], les héroïnes qui peuplent les romans de notre corpus d’étude les rejoignent en tant que modèles. Véronique Léonard-Roque pose l’hypothèse d’une gradation qui débutant au rang de “personnages” en échelonne l’évolution jusqu’aux figures mythiques, qui deviennent des modèles. Les biofictions nous semblent participer de ce mouvement, car œuvres de fiction, elles contribuent à bâtir les mythes : ici, les figures devenues mythiques ne préexistent pas l’œuvre, mais au contraire en résultent[26]. | |
19 | Commençons par évoquer la figure de Tituba, célèbre sorcière condamnée lors du Procès de Salem, qui est au cœur du roman Moi, Tituba sorcière… noire de Salem de Maryse Condé. Le titre, tout d’abord, doit interpeller le lecteur, car il accentue l’usage de la première personne du singulier je, grâce à laquelle l’autrice prête sa propre voix à son personnage. Mais ceci n’est pas du fait de l’autrice, mais de son éditeur : initialement intitulé Moi, Tituba, “but the publishers said that [it] was a little bit laconic as a title and added Black Witch of Salem”[27]. Ce faisant, la dimension de témoignage, en tant que femme noire, a été renforcée. Tituba est, selon la formule consacrée, “un personnage ayant existé” : elle a été jugée lors du fameux procès de Salem. L’autrice s’appuie sur l’Histoire pour écrire son roman et travailler le matériau scripturaire ; elle incorpore d’ailleurs dans Moi, Tituba sorcière… noire de Salem des extraits de documents authentiques qui lui ont permis de retracer le parcours de l’héroïne : | |
1. Ces extraits sont tirés de la déposition de Tituba. Les documents originaux de ces procès figurent dans les Archives du Comté d’Essex. Une copie se trouve à Essex County Court House à Salem, Massachussetts[28] | ||
20 | Notes auxquelles l’autrice adjoint une “Note historique”[29] placée en appendice de l’ouvrage. C’est sur la ligne de crête entre référents historiques et fiction que se joue la poétique de l’œuvre. Notons néanmoins que l’autrice a fait le choix explicite de ne pas se conformer à l’Histoire et de choisir une autre fin pour son héroïne. C’est d’ailleurs aussi dans ces notes qu’elle justifie avoir “offert […] une fin de [son] choix”[30] à Tituba car elle s’éloigne de la réalité historique : la Tituba de Condé mourra sur l’échafaud, alors que la Tituba historique sera quant à elle vendue[31]. Plus intéressant encore, la forme biofictionnelle permet à l’autrice d’entretenir une ambiguïté quant à l’auctorialité de l’œuvre. Dans l’épilogue, l’esprit de Tituba, qui a censément présidé à l’écriture de l’œuvre – et donc relégué l’autrice au rôle de traductrice – prend la parole en annonçant que “[s]on histoire véritable commence où celle-là finit”[32]. Et effectivement l’usage du je dans cette biofiction amène à construire la voix de la figure mythique, Tituba, qui s’inquiète de son effacement dans les minutes du procès : | |
Je sentais que dans ces procès des sorcières de Salem qui feraient couler tant d’encre, qui exciteraient la curiosité et la pitié des générations futures et apparaîtraient à tous comme le témoignage le plus authentique d’une époque crédule et barbare, mon nom ne figurerait que comme celui d’une comparse sans intérêt. On mentionnerait çà et là “une esclave originaire des Antilles et pratiquant vraisemblablement le ‘hodoo’”. On ne se soucierait ni de mon âge ni de ma personnalité. On m’ignorerait. […] Aucune, aucune biographie attentionnée et inspirée recréant ma vie et mes tourments ! Et cette future injustice me révoltait ! Plus cruelle que la mort ![33] | ||
21 | Et la biofiction vient combler ce vide en donnant naissance à une voix qui excède celle de l’autrice. Maryse Condé elle-même jouera de cette ambiguïté de l’usage d’un je multi-réferentiel en répondant, lors d’un entretien, à une question portant sur ses motivations à l’écriture à la première personne lors d’un entretien : “Je dois être Tituba. Je suis la sorcière !”[34]. Nous retrouvons donc ici la création d’une subjectivité féminine - qui avait été écartée tant par les historien.ne.s que par les écrivain.e.s. Un autre écart particulièrement signifiant entre réalité et fiction repose sur le fait que Tituba était indienne et non noire : “If Tituba and John had been of mixed Indian-African parentage, they would have been identified as ‘Negro’ and not Indian in the Salem records”[35]. Ce faisant, l’usage de la fiction déplace le questionnement de l’œuvre dans le champ du Black Feminism qui croise genre sexué, race et études de l’esclavage : Moi, Tituba sorcière… noire de Salem retrace la vie de Tituba, de sa conception lors du viol de sa mère par un marin anglais jusqu’à sa pendaison pour avoir participé à une révolte d’esclaves. Plus que le parcours personnel de Tituba, Maryse Condé met surtout en scène la voix de ce personnage féminin devenu figure mythique de la condition des esclaves noires. En cela, elle cherche à restaurer le caractère subalterne[36] de Tituba, perçue comme une victime secondaire négligeable de l’esclavage. Si le pouvoir masculin et la sorcellerie blanche ont pu se faire entendre au XVII | |
22 | Poursuivons maintenant l’analyse des écritures féministes postcoloniales, et plus particulièrement celle de l’œuvre d’Assia Djebar. Elle a la particularité de s’appuyer sur la mise en lumière de nombreuses figures féminines, qu’elles soient historiques ou mythologiques, appartenant à la culture arabo-berbère. Arrêtons-nous sur une de ces figures majeures qui est récurrente dans l’œuvre tant littéraire que cinématographique de l’autrice : la maquisarde Zoulikha Oudaï. Parmi les voix des femmes qui s’élèvent pour dénoncer la condition des femmes algériennes, c’est sans doute celle de Zoulikha que le lecteur et le spectateur d’Assia Djebar entendent le plus nettement. Notons que la perspective biographique se voit éclatée au sein de l’œuvre djebarienne, la narration prenant la forme d’une enquête : la vie de Zoulikha est peu à peu dévoilée, au fur et à mesure que la narration principale du Quatuor algérien[39] – projet autobiographique demeuré inachevé – progresse. “Héroïne oubliée de la guerre d’Algérie, montée au maquis au printemps 1957 et portée disparue deux ans plus tard, après son arrestation par l’armée française”[40], elle est au cœur du premier opus de l’autobiographie de l’autrice, le roman L’amour, la fantasia, et – avant cela – l’auteure lui a avait déjà dédié son premier long-métrage, La nouba des femmes du mont Chenoua. Dans un cas comme dans l’autre, ces œuvres se placent à mi-chemin entre la fiction et le documentaire. On retrouvera encore Zoulikha, vingt ans plus tard, dans La femme sans sépulture. Ce roman représente ainsi “ une œuvre que ses origines cinématographiques continuent à imprégner, et où circule d’un bout à l’autre le souci de trouver une parole apte à cerner ce que déjà le film avait pressenti comme au-delà ou en deçà du montrable et du dicible”[41]. Assia Djebar s’attache à la vie de cette maquisarde algérienne. Zoulikha, “en 1930, peu avant ses quatorze ans, avait obtenu le certificat d’études”, elle avait le privilège de circuler librement “au village comme une Européenne : sans voile ni le moindre fichu”[42]. Installée à Cherchell après son troisième mariage, elle “accepte, semble-t-il aisément, cette fois de se voiler, mais certainement pas par attitude conservatrice”[43]. Rien ne la distingue plus des autres dames de la ville si ce n’est son franc-parler qui ne s’est jamais démenti. Après la mort de son mari et de son fils aîné, elle rejoint le maquis et y devient une figure majeure de la résistance face au colon français. Le personnage historique de Zoulikha devient ainsi une figure littéraire qui irrigue l’œuvre d’Assia Djebar, par le biais de témoignages oraux d’autres femmes qui lui redonnent littéralement vie. Que ce soit dans le film ou dans les romans, la maquisarde, arrêtée par l’armée française puis disparue, devient emblématique de la résistance de toutes les femmes. Les six femmes qui prennent la parole dans La nouba et que nous retrouverons dans L’amour, la fantasia, et surtout la narratrice s’assimilent finalement à Zoulikha : “C’était moi, c’était elle”[44] s’exclamera d’ailleurs la jeune Leïla de La nouba. Les figures travaillées poétiquement par Assia Djebar – pensons à Fatima ou à La Kahina – ont en commun de construire une généalogie de femmes combattantes, qui vient contredire la construction sociale qui cantonne les femmes à des rôles de mères et à la domesticité. Ce sont donc des figures de la contestation qui opposent un “non”[45] à des cultures dominantes, française ou arabe, patriarcales. Pourtant, ces figures ne triomphent réellement dans l’œuvre de Djebar que par leur voix : l’auteure les fait entendre, les “ressuscite” selon ses propres termes. | |
23 | Ces personnages engagent une réflexion sur la place des femmes et les identités féminines. Les figures de résistantes, dans la forme biofictionnelle, remettent en question les stéréotypes de genre et empêchent la réduction du rôle actif des femmes au rang d’exception. Le genre féminin échappe à une définition en creux, faite de manque et de vide, pour tendre à une productivité poétique. | |
Conclusion | ||
24 | L’écriture de ces mythes féminins vient certes mettre en mots une subjectivité féminine, mais vient surtout dire l’urgence qu’il y a de (re)trouver la place des femmes dans l’histoire en général et l’histoire littéraire en particulier. Si les mythes féminins ont irrigué les imaginaires des auteur.trice.s depuis l’Antiquité, la forme biofictionnelle, en tant que dépassement des frontières génériques, nous parle, à nous lecteur.trice.s des XX | |
25 | Les figures mythiques que nous avons brièvement évoquées ici sont avant tout des incarnations de la contestation et de la résistance : elles voient leurs vies, souvent ignorées ou méconnues, explorées par la fiction romanesque. Dans ce corpus d’étude, deux types de personnages féminins se distinguent : 1) à partir de fragments épars, les auteur.trice.s ressuscitent ces figures du passé colonial et donnent ainsi une voix aux femmes de couleur[48] ; 2) les femmes mythiques irriguent quant à elles une ontologie féminine qui échappe à la conceptualisation traditionnelle. C’est une même esthétique qui préside à la mise en biofiction de Médée ou d’Ève : incarnant l’horreur de l’infanticide ou la Faute originelle, elles n’en demeurent pas moins la mère de la médecine pour l’une et la mère de l’humanité pour l’autre. Dans les deux cas, les autrices de biofictions féminines, ici plus volontiers féministes, viennent combler un vide dans les systèmes de représentations traditionnels et patriarcaux, qui construisent les femmes comme secondaires ou coupables. Dans ces œuvres, les figures mythiques, réelles ou mythiques, deviennent actrices de leur destin et prennent place de plein droit dans leur société. | |
26 | Le genre biofictionnel, par ses caractéristiques de genre mineur, donne une voix aux femmes. Chaque récit vient façonner des récits de figures féminines du passé qui interrogent et reconfigurent les constructions genrées contemporaines. Par sa nature hybride, les biofictions ont démocratisé des figures issues des études classiques et des marges de l’histoire, qui nous donnent à voir aujourd’hui une histoire des femmes prise dans l’histoire “tout court”. | |
Hélène Barthelmebs-Raguin | ||
Notes
[1]Annie Ernaux, Une femme, Paris, Gallimard, 1988, p. 106.
[2]Le terme est forgé par Alain Buisine en 1991 (voir Alain Buisine, “Biofictions”, Revue des Sciences Humaines, “Le Biographique”, n° 224, 1991, p. 7-13.
[3]Assia Djebar, La femme sans sépulture, Paris, Albin Michel, 2002, p. 124.
[4]Luce Irigaray, Le temps de la différence, Paris, Biblio Essais, Livre de poche, 1989, p. 28.
[5]Dominique Kunz Westerhoff, L’autobiographie mythique, Méthodes et problèmes, Genève, Université de Genève, Département de français moderne, URL : http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/automythe/ (page consultée le 20 mai 2020 >.
[6]Alexandre Gefen, “La communauté des morts : Les recueils de Vies”, in Irène Langlet, Le recueil littéraire : Pratiques et théorie d’une forme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 48.
[7]Paul Ricœur, Philosophie de la volonté, Paris, Aubier-Montaigne, 1960, p. 12.
[8]Christine Planté, “Écrire des vies de femmes”, Le genre de l’histoire, n° spécial ; Les cahiers du GRIF, n°37-38, printemps 1988, p. 68-69.
[9]Damien Fortin, “Les ‘fictions biographiques’ contemporaines, un nouveau ‘sacre de l’écrivain’ ?”, Acta fabula, vol. 12, n° 4, Essais critiques, Avril 2011, URL : http://www.fabula.org/acta/document6259.php (page consultée le 19 juin 2020).
[10] La Bible, Traduction œcuménique de la Bible (TOB), Paris, Bibli’o – Société biblique française / Les Éditions du Cerf, 2010, Gn 5. 4-8.
[11] Luce Irigaray, Le corps-à-corps avec la mère, Montréal, Éditions de la Pleine lune, 1981, p. 30.
[12] Robert Verdussen, “Les femmes de la Bible, selon Marek Halter”, La Libre, 17 avril 2003, URL : https://www.lalibre.be/culture/livres-bd/les-femmes-de-la-bible-selon-marek-halter-51b87d96e4b0de6db9a8872d (dernière consultation le 25 juin 2020).
[13] La récente publication Une bible des femmes (2018) sous la direction de Pierrette Daviau, Lauriane Savoy, Élisabeth Parmentier apporte des analyses intéressantes sur la compatibilité entre lecture biblique et féminisme.
[14] Judith Butler, Le récit de soi [trad. fr. Bruno Ambroise et Valérie Aucouturier], Paris, PUF, 2007, <Pratiques théoriques>, p. 115.
[15] À ce sujet, on pourra consulter l’article Jessica Borotto, “Interpellation du genre et sujets mélancoliques. Butler.
[16] Marek Halter, Ève, Paris, Laffont, 2016.
[17] Ibid., p. 245.
[18] Ibid., p. 247.
[19] Pensons notamment à Euripide, Sénèque, Pierre Corneille, Jean Anouilh, Laurent Gaudé, Pier-Paolo Pasolini ou encore Angelin Preljocaj, pour n’en citer que quelques un.e.s.
[20] Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1972 [1953], <Points Essais>, p. 125.
[21] Margot Schmidt, Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae / Medeia, Christas Wolfs Medea / Vorausetzung zu einem Text, DTV, p. 51-52.
[22] René Girard, La violence et le sacré, Paris, Hachette, 1989 [1972], p. 11.
[23] Peter Radkte, M – wie Tabori. Erfahrungen eines behinderten Schauspielers, Zürich, Pendo, 1987, p. 153.
[24] Aurélie Adler, “Introduction. Minuscule et marginal : émergence d’un paradigme” [en ligne], in Éclats des vies muettes, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2012, URL : http://books.openedition.org/psn/2164 (page consultée le 19 juin 2020).
[25] Véronique Léonard-Roques (dir.), Introduction”, Figures mythiques. Fabrique et métamorphoses, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2008, <Littératures>, p. 37.
[26] À ce sujet, on lira avec profit Véronique Gély, “Le ‘devenir-mythe’ des œuvres de fiction”, in Sylvie Parizet (dir.), Mythe et littérature, Paris, Lucie éditions, 2008, p. 179-195.
[27] Maryse Condé, I, Tituba, Black Witch of Salem [trad. Richard Philcox], Charlottesville, University Press of Virginia, 1992, p. 205.
[28] Maryse Condé, Moi Tituba sorcière… noire de Salem, Paris, Paris, Gallimard, 2016 [1988], <Folio>, p. 165.
[29] Ibid., p. 275.
[30] Ibid., p. 278. Relevons également que l’absence de certitudes quant à la trajectoire suivie par Tituba après sa libération est soulignée.
[31] Voir Hélène Barthelmebs-Raguin, “Discursivité des sorcières au XX siècle, ou l’émancipation par les figures des marges”, French Studies, vol. 73, n° 2, 2019, p. 234–252, URL : https://doi.org/10.1093/fs/knz001 (dernière consultation le 20 juin 2020).
[32] Maryse Condé, Moi Tituba sorcière… noire de Salem, op. cit., p. 267.
[33] Ibid., p. 173.
[34] Françoise Pfaff, Conversations with Maryse Condé, Lincoln, University of Nebraska Press, 1996, p. 66.
[35] Elaine G. Breslaw, “Tituba’s Confession: The Multicultural Dimensions of the 1692 Salem Witch-Hunt’, Ethnohistory, n° 44, 1997, p. 536.
[36] À ce sujet, on lira volontiers Kimberly W. Crenshaw, “Cartographies des marges : intersectionnalité, politique de l’identité et violences contre les femmes de couleur”, Cahiers du genre, n° ?, 2005, pages ? ; Gayatri Spivak, “Can the Subaltern Speak ?”, in Cary Nelson, Lawrence Grossberg (dirs), Marxism and the Interpretation of Culture, Chicago, University of Illinois Press, 1988, p. 271-313; Mohanty Chandra Talpade, “Under Western Eyes” Revisited: Feminist Solidarity through Anticapitalist Struggles”, Signs, vol. 28, n° 2, 2003, p. 499-535.
[37] Maryse Condé, Moi Tituba sorcière… noire de Salem, op. cit., p. 257.
[38] Kaiama Glover, “Confronting the Communal: Maryse Condé’s Challenge to the New World Orders in Moi, Tituba”, French Forum, vol. 37, n° 3, automne 2012, p. 181 et 196.
[39] Constitué, chronologiquement, par L’amour, la fantasia (1985), Ombre sultane (1987) et Vaste est la prison (1995), la tétralogie reste à ce jour incomplète, le quatrième opus n’ayant pas été achevé à la mort de l’autrice en 2015.
[40] Assia Djebar, op. cit., 4e de couverture. C’est ce que l’autrice rappelle “Je finis le montage de ce film dédié à Zoulikha, l’héroïne. Dédié aussi à Bela Bartok. ‘L’histoire de Zoulikha est esquissée en ouverture.’ (p. 15) et plus loin ‘Opus dédié à Zoulikha, mais aussi à Bela Bartok’ (p. 17).
[41] Jeanne-Marie Clerc, “L’influence du cinéma sur l’écriture romanesque d’Assia Djebar” [en ligne], Ce que le cinéma fait à la littérature (et réciproquement), Fabula LHT (Littérature, histoire, théorie), n° 2, 2006, URL : http://www.fabula.org/lht/2/Clerc.html (dernière consultation 15 mars 2019).
[42] Ibid., p. 18-19.
[43] Assia Djebar, La femme sans sépulture, op. cit., p. 22.
[44] Assia Djebar, La nouba des femmes du Mont Chenoua, production de la Télévision algérienne, 1978, 78mn22sc.
[45] Assia Djebar définit d’ailleurs Fatima ainsi : “celle qui dit non à Médine” (Assia Djebar, Loin de Médine, Paris, Albin Michel, 1991, p. 66).
[46] Il s’agit ici d’un clin d’œil aux Vies minuscules (1984) de Pierre Michon.
[47] Cf. Louis Aragon, Mentir-vrai, Paris, Gallimard, NRF, 1980.
[48] Sur l’autobiographie comme écriture des hommes blancs instruits, on consultera avec profit l’article de Barbara Havercroft, “Le discours autobiographique : enjeux et écarts”, La discursivité, sous la direction de Lucie Bourassa, Québec, Nuit Blanche, 1995.
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