Poétique du carnet de voyage et écriture de terrain: “Le passant de l'Athos” de Bernard Noël
Résumé
La forme du carnet de voyage en vers est assez bien représentée dans la production poétique de langue française depuis les années 1980. Elle donne parfois lieu à des exemples singuliers d’écriture de terrain, rejoignant par-là certaines orientations récentes du champ littéraire contemporain. Ainsi, dans “Le passant de l’Athos”, Bernard Noël rend compte d’un séjour de trois semaines, lors de l’hiver 1993-1994, à la skite Saint-André, l’une des fondations orthodoxes de la République monastique du Mont-Athos. Il y explore les vestiges de cette ancienne communauté russe et participe quelque temps au travail de trois moines grecs, qui tentent de sauver le site de la ruine. Avec ce récit de voyage en hendécasyllabes, une pratique inédite du poème apparaît, mue par la découverte d’un lieu, de ses habitants et de son histoire. Le recensement des bâtiments et des objets, les collectes de témoignages peuvent sembler transcrire directement le terrain sur la page, mais l’illusion d’une coïncidence entre le langage et le réel est vite écartée. L’enquête devient d’ailleurs objet de création : elle constitue un matériau parmi d’autres d’une poétique du carnet de voyage qui tend à épouser l’expérience immédiate, mais aussi à bousculer les codes lyriques. Le travail réflexif de la langue convoque avec le vers tout un héritage qui se voit interrogé et comme renégocié. Au désir de connaissance se mêlent en définitive des enjeux existentiels, politiques et esthétiques. Si la littérature de terrain redessine les frontières du roman, elle a donc également pour effet d’ouvrir de nouveaux espaces à une voix poétique délibérément ancrée dans la circonstance historique.
Mots-clés
2012 | Revue critique de fixxion française contemporaine | (ISSN 2033-7019) | Habillage: Ivan Arickx | Graphisme: Jeanne Monpeurt
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