Fine Lines : Jacques Réda's Poetics of Place

Résumé

Jacques Réda est un pionnier de l'art des écritures de terrain. Cet article examine l'importance négligée des lignes dans le processus créatif de Réda : une ligne dans laquelle une certaine osmose (comme le dit Réda) s'est développée entre la circulation dans les espaces et l'écriture. En se déplaçant dans les environnements qu'il a choisis, Réda prête souvent attention aux éléments quasi linéaires tels que les brins d'herbe, les fils de téléphone et les voies ferrées, et ces “lignes” observées empiriquement jouent un rôle prépondérant dans les lignes poétiques qu'il va finalement produire sur cette page. Le verbe retenir se retrouve fréquemment dans les œuvres de Réda, et je propose que ce soit le terme opératoire décrivant le rôle de telles lignes dans la poétique du lieu de Réda. Car si les “lignes” structurent la prose lyrique de Réda, qui les exploite pour transmettre de façon palpable les contours et les rythmes des lieux décrits, elles servent aussi de lignes de fuite qui soulignent la précarité de l'instant, de la configuration spatiale, qui n'est toujours maintenue ensemble - à peine et brièvement. Combattant le feu par le feu, Réda dessine délibérément ses lignes en opposition à ce qu'il appelle le dogme de l'orthogonal, la rigidité des parallèles et des méridiens, la malice abstraite de l'infini. Bien sûr, il s'agit en fait de qualités de l'ennemi véritable, sous-jacent et existentiel de Réda : le temps inflexible, linéaire, chronologique lui-même. Réda mobilise ses lignes hérétiques en opposition à la rigidité du systématique, de l'avance, du linéaire inflexible. En écrivant sous l'égide de cette défection, je soutiens que Réda produit une poétique du kairos (timing), capable d'arracher des moments d'immunité symbolique aux chronos (temps).