Ouvre grand tes oreilles : les dispositifs de collecte de voix dans la littérature contemporaine
Résumé
L’article explore, au sein des “littératures de terrain”, la démarche qui consiste à collecter des témoignages, en montrant comment les écrivains s’emparent des outils des sciences sociales. À la manière de Svetlana Alexievitch qui se présente en “femme-oreille”, de nombreux écrivains contemporains français recueillent des récits de vie qu’ils enregistrent au magnétophone, s’affrontant ensuite aux problèmes de transcription ainsi qu’au travail de transposition et de montage des voix dans des textes littéraires polyphoniques. Après avoir esquissé une rapide cartographie de ces usages de l’entretien, de Georges Perec dans Ellis Island aux “Architectures en paroles” d’Olivia Rosenthal, il s’agit de réinscrire ces pratiques de collecte de voix au croisement de deux traditions : l’une du côté du cinéma documentaire que vient cristalliser Shoah de Claude Lanzmann, l’autre sociologique avec La misère du monde dirigé Pierre Bourdieu. L’exemple de la trilogie des récits des marais rwandais de Jean Hatzfeld permet enfin d’étudier plus précisément les enjeux méthodologiques, le travail de recomposition poétique ainsi que les implications éthiques d’un cas de collecte de voix : par la transmission écrite de récits oraux, le collecteur de voix assure ainsi la transmission des expériences vécues dont Benjamin déplorait la disparition dans Le Conteur.
Mots-clés
témoignage indirect ; entretien ; polyphonie ; récit de voix ; transcription
2012 | Revue critique de fixxion française contemporaine | (ISSN 2033-7019) | Habillage: Ivan Arickx | Graphisme: Jeanne Monpeurt
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