Les Jardins statuaires : le surréalisme mémoriel de Jacques Abeille | Ibid. | |
On n’apprivoise pas le geste initial on se soumet à lui en tremblant, étouffé d’inconscience.[1] | ||
1 | Jacques Abeille, écrivain surréaliste jusque-là confidentiel, a trouvé depuis 2010 un public plus large, à la faveur de la réédition par les éditions Attila des Jardins statuaires illustrés par François Schuiten. Ce roman, qui relate à la première personne le séjour d’un voyageur dans une contrée imaginaire, est d’abord une “métaphore de la création artistique”[2], née, comme Jacques Abeille l’explique en 2011 à Alain Veinstein[3], de la vision d’un paysan en train de biner son carré de courges, la plasticité de ces légumes lui suggérant l’image de statues sortant du sol. L’écrivain, agrégé d’arts plastiques que son daltonisme a fait renoncer à la peinture, invente alors ce pays composé de jardins enclos de murailles où des jardiniers font pousser des statues. Empruntant la structure narrative d’un sous-genre romanesque, dont Abeille trouve le modèle dans Le Désert des Tartares ou Le Rivage des Syrtes, il place ce monde sous la menace d’une invasion barbare, imminente à la fin du roman, et dont le lecteur peut connaître les conséquences dans Les Barbares et La Barbarie[4]. La trame narrative projette ainsi la métaphore originelle dans une temporalité qui vient modifier son sens. Comme on le montrera, la culture des statues est en effet d’abord une défense imagée de l’inspiration que Jacques Abeille oppose au culte de la technique et à la sclérose qu’est à ses yeuxle style. Le roman articulant ensuite cette image à une réflexion sur la mort des civilisations, les jardins statuaires se révèlent eux-mêmes le foyer d’un académisme que seule peut combattre, et combien difficilement, une ouverture à l’altérité dont la trouvaille surréaliste pourrait bien être le paradigme. Les Jardins statuaires propose de la sorte, in fine, une relecture de la conception surréaliste de l’art, le roman aboutissant à la définition d’une manière de surréalisme mémoriel, articulant la trouvaille bretonienne à la métamorphose malrucienne. | |
Une défense de l’inspiration | ||
2 | Commentant, lors d’un entretien avec David Caviglioli, la “fable” que devait être à l’origine Les Jardins statuaires, avant que le texte ne se développe pour devenir un roman, Jacques Abeille la donne comme “une manière de présenter l’émergence de l’œuvre d’art comme un processus qui n’a rien de technique, contrairement à ce que prétend l’idéologie dominante en France, celle de Flaubert”[5]. Il s’agirait là d’un “conte philosophique”, ou d’une fable esthétique dont il développe dans ce même entretien la thèse : | |
Ce petit conte philosophique devait dire que l’œuvre d’art sort, et que l’artiste se contente de contrôler son élan. C’est une idée un peu aristotélicienne : le sculpteur doit dégager une virtualité qui est déjà dans le marbre. Évidemment, il y avait pour moi, à l’horizon, une réhabilitation de l’inspiration par rapport au travail.[6] | ||
Cette réhabilitation de l’inspiration vis-à-vis de la
technique va de pair, en ce qui concerne les arts plastiques, avec une
condamnation du style qu’il exprime notamment à propos de la dernière période
du peintre surréaliste Pierre Molinier dont il a été l’un des proches : | ||
Mais qu’est-ce que peindre ? Probablement pas se renfermer dans la réitération obsessionnelle de certaines procédures ou dans l’obéissance à des algorithmes techniques clos. Cela, c’est ce qu’exige de nous n’importe quel métier qui nous tient arrêtés dans le tissu des contraintes sociales. Quitte à choquer bien des amateurs, je dirais volontiers que dans ses dernières performances picturales Molinier s’est trouvé rattrapé par la condition d’artisan contre laquelle il s’était révolté dans ses jeunes années et qu’il avait réussi à fuir.[7] | ||
Le terme d’artisan n’implique pas une condamnation du geste technique en tant que tel, mais pointe la déliaison entre l’artiste et son œuvre, que Jacques Abeille étend à la “société bourgeoise technicienne”[8] qui aurait généré une perversion du style : | ||
Le style qui, depuis la Renaissance au moins, permettait l’identification du créateur et sa consécration comme artiste, est devenu, du fait de la toute-puissance de l’argent, la caractéristique d’un produit et le garant de sa seule valeur marchande.[9] | ||
Dans Les Jardins statuaires, la croissance biologique des statues élimine le risque de la dégénérescence de l’œuvre en produit[10] en tendant à éliminer l’idée même de style, défini comme marque de la singularité de l’artiste. En limitant l’intervention humaine, elle fait de l’inspiration une poussée obscure qui échappe au sujet. La force créatrice est celle de la nature elle-même, natura naturans dont l’image la plus frappante est proposée par les germes des statues, sorte de champignons concentrant une infinité de potentialités : “En vérité, la pierre initiale est un œuf qui recèle un nombre infini de possibilités” (JS 24). | ||
3 | Certes, les jardiniers participent à l’évolution des statues, en les taillant et les transplantant, mais ces étapes sont chaque fois assurées par un homme différent, qui choisit au hasard la statue dont il s’occupe (JS 23). Le dispositif de la culture des statues est créé de sorte à rompre le lien de l’homme à l’œuvre, faisant de celle-ci une altérité radicale n’usant de l’homme que comme d’un outil, ou d’un passage : les statues sont “des rêves qui n’appartiennent à personne” (JS 104). La rédaction du livre des Jardins statuaires que la fiction attribue au voyageur est présentée de même comme une dictée à laquelle tout souci de style est étranger : | |
J’étais, je suis toujours, bien loin d’être un artiste, puisqu’il ne s’est jamais agi pour moi que de décrire le plus clairement, le plus fidèlement possible, ce que j’avais vu et qui m’avait été donné […]. J’avais l’esprit vide. C’est comme une sorte de somnambule que je repris la plume. […] J’ai dû admettre ces impulsions obscures […]. (JS 54-55) | ||
L’homme n’est créateur que par le biais de son inconscient, qui n’est pas tant l’inconscient freudien que l’inconscient des romantiques allemands[11], cette part obscure de l’homme qui est la présence en lui de la nature créatrice : | ||
— Cependant, lui fis-je remarquer, les hommes sont bien aussi
pour quelque chose dans le fait que ce style domine ? — Sans doute, puisque leur tâche est un constant dialogue avec la pierre. Mais finalement, cela est-il très important de distinguer la responsabilité des hommes ? Après tout, eux aussi sont des produits de la terre. (JS 85) | ||
Ancrant la création dans un imaginaire biologique, la “fable” de Jacques Abeille semble ainsi radicalement inactuelle — refusant la modernité au profit d’une esthétique romantique, et refusant l’histoire au profit d’une intemporalité du surgissement créateur. Pourtant, ces jardins de statues non seulement suggèrent l’image d’un musée à ciel ouvert, mais mettent en scène un discours sur les œuvres du passé et sur l’histoire de l’art. | ||
Une fiction d’histoire de l’art | ||
4 | La question du style, délié de l’individu, fait retour en se rattachant à l’idée de terroir. Chaque domaine présente “un style si particulier que les statues qui en sortent ne peuvent être confondues avec aucune autre” (ibid.) L’image du jardinage conduit ainsi, de façonludique, à prendre au pied de la lettre l’articulation du style artistique et d’un territoire que défend par exemple Winckelmann en liant la supériorité de l’art grec au climat[12] : “Quant aux statues, ce n’étaient plus que de vagues silhouettes mal dégrossies s’érigeant à grand-peine d’une terre ingrate, contre les éléments hostiles” (JS 229). | |
5 | La formation de Jacques Abeille, professeur d’arts plastiques, empêche de considérer cela comme une conséquence involontaire du développement de la métaphore initiale, d’autant le texte met en scène des statues et des styles reconnaissables, spatialisant l’histoire de l’art dans un musée imaginaire. Celui-ci est cependant fort restreint. À côté d’une statuaire néo-classique majoritaire, deux domaines, celui du “faiseur de nuages” (JS 103) et celui des “statues qui maigrissent” (JS 141) permettent de reconnaître les œuvres d’Arp et de Giacometti, tandis qu’un domaine voit le surgissement de deux œuvres attribuables à Rodin : L’Homme qui marche (JS 86-87) et Le Baiser (JS 100-101). L’étroitesse de ce choix évoque plutôt le palmarès surréaliste que le musée malrucien, Jacques Abeille détachant du tout-venant de l’art de rares œuvres réunies fraternellement par l’authenticité de leur inspiration, indépendamment des époques et de l’hétérogénéité des formes, dans un apparentement plus éthique qu’esthétique. | |
6 | À côté de ces clins d’œil à l’histoire de l’art, Jacques Abeille, comme nombre d’auteurs écrivant sur l’art propose une analyse plus consistante du geste artistique[13], dont il met en évidence la dimension sociale. Certes, Jacques Abeille condamne l’excès de technique, mais les statues des Jardins statuaires ne sont pas les fruits sauvages de la terre. Les hommes concourent à leur style par le dialogue qu’ils savent entretenir avec la terre qu’ils nourrissent de leur sueur (JS 101). Le style de la statue est le fruit de cette symbiose que met en scène le jardinage. L’étape ultime en est un polissage dans un corps à corps érotique où la peau des hommes vient donner son fini à la pierre : “Je voyais même maintenant comment, pour travailler, ces deux hommes nus collaient leur corps contre la statue et je me demandais si le contact de leur peau contre la pierre […] n’apportait pas aussi une contribution notable à la dernière touche superficielle” (JS 48). | |
7 | Le geste n’est donc pas absent de la création des statues et ses différentes catégories fonctionnent même au sein de l’œuvre comme une véritable taxinomie de la statuaire, opposant les statues jardinées des domaines aux statues forgées du gardien du gouffre et aux statues de bois sculpté de l’aubergiste qui accueille le voyageur — à quoi l’on peut ajouter les statues modelées de Blanche dans La Barbarie, bien qu’elles appartiennent à un autre contexte culturel : la cité de Terrèbre[14]. Dans ces trois derniers cas, bien que le geste ne soit pas le simple accompagnement d’une croissance, mais véritablement générateur d’un artefact, il garde toutefois un caractère obscur qui fait de lui le vecteur d’une volonté étrangère à la conscience. Arrivé, presque au terme de son parcours, auprès du gardien du gouffre et initié par lui à la sculpture sur métal, le voyageur met l’accent sur cette inconscience du geste créateur, générant une œuvre qui, tout autant que les statues jardinées, est un rêve qui ne lui appartient pas : | |
Il fallait que je demeurasse étranger au génie du commencement et que le loisir de la vanité ne me fût pas laissé. On n’apprivoise pas le geste initial on se soumet à lui en tremblant, étouffé d’inconscience. (JS 434) | ||
Blanche, de façon significative, s’aveugle pour sculpter[15] tandis que l’aubergiste ne sculpte que la nuit des créatures qui relèvent du cauchemar[16]. | ||
8 | Tout inspiré qu’il soit, le geste vient réintroduire la statue dans le tissu social. Jacques Abeille propose là une histoire sociale de l’art en articulant la technique de production des sculptures à la structure de la société qu’il invente dans un souci ethnographique constant dans le Cycle des contrées[17] — Les Jardins statuaires est d’ailleurs dédié à l’anthropologue Jean Ellul. À côté des gestes traditionnels du jardinage, les autres modes de sculpture relèvent d’une marginalité. Celle du gardien du gouffre est ritualisée et relève d’un espace sacré où les éléments naturels eux-mêmes n’entretiennent pas la même hiérarchie[18]. La sculpture de Blanche prend place dans la société désacralisée de Terrèbre et renvoie à une clandestinité heureuse tandis que dans la société traditionnelle des jardiniers, les sculptures de l’aubergiste témoignent d’une exclusion malheureuse s’incarnant dans des productions blasphématoires. | |
9 | Jacques Abeille déploie également dans le roman un discours critique, dont la portée esthétique et narrative soustrait les allusions aux œuvres existantes à leur dimension purement ludique. Le développement sur Arp est le plus autonome au regard de l’intrigue. Il est également le plus fidèle à l’histoire de l’art, la métaphore végétale s’appliquant parfaitement à l’“art concret” que défend le sculpteur : | |
Nous ne voulons pas copier la nature. Nous ne voulons pas reproduire, nous voulons produire. Nous voulons produire comme une plante qui produit un fruit. […] | ||
Les œuvres de l’art concret ne devraient plus être signées par leurs auteurs. Ces peintures, ces sculptures — ces objets — devraient rester anonymes, dans le grand atelier de la nature comme les nuages, les montagnes, les mers, les animaux, les hommes.[19] | ||
Pastichant, dans La Cravate à moustache ou Le Nuage frondaison qui coiffe la bouteille, le style poétique des titres des sculptures d’Arp, Jacques Abeille en propose une description qui est une véritable analyse du travail créateur du sculpteur : “Ici il semblait que la forme élue fut précisément l’indistinction primitive et je n’entends pas ce dernier terme dans une acception péjorative puisque c’est dans ce moment que jouent, fascinantes, les virtualités de la matière à l’état libre” (JS 105). Dans une heureuse rencontre esthétique, la fable d’Abeille met en lumière la volonté d’Arp de défaire les catégories pour engager son œuvre dans un processus de métamorphose et assimiler sa création à une production naturelle. | ||
10 | L’appréciation de l’œuvre de Giacometti est plus ambiguë, et noue la critique d’art au discours sur la mort des civilisations que porte Les Jardins statuaires : “En d’autres termes ces statues ne semblaient indéfiniment témoigner que d’une seule chose : que la vie est un inlassable épuisement” (JS 142). Les statues de Giacometti peuvent en effet être interprétées comme un symbole de l’épuisement vital, mais l’articulation du style au terroir dans le cadre du roman fait de celles-ci un symptôme de l’épuisement de la terre, du fait de leur maigreur, comme de leur répétition (“indéfiniment”). L’œuvre de Giacometti est ainsi présentée comme un académisme de la maigreur, qui, au niveau de l’œuvre, vient désigner la décadence des jardins statuaires. Alors que le glissement du style individuel au terroir était d’abord au service d’une conception de la création détachée de la maîtrise consciente, il vient permettre ici la superposition de l’art et de l’ensemble de la civilisation dans une commune agonie. | |
L’académisme des Jardins statuaires | ||
11 | La perception de cette décadence est progressive de la part du voyageur : l’aubergiste, né sur un domaine ruiné dévasté par la prolifération des statues, vient lui ouvrir les yeux sur la face obscure d’un monde que celui-ci admire d’abord sans mélange. Là encore, le modèle biologique qui sous-tend l’histoire de l’art de Winckelmann est appliqué à la lettre. Non seulement chaque statue parcourt un cycle biologique, de la naissance à, dans certains cas, la mort, mais la production des domaines et des jardins statuaires dans leur ensemble est menacée de décadence dès lors que la terre s’appauvrit. Le domaine des “statues qui maigrissent” (JS 141) présente cette évolution en accéléré, la terre s’épuisant périodiquement (JS 142[20]), tandis que l’invasion barbare peut être interprétée, à l’échelle de l’ensemble des jardins, comme une nécessaire mise en jachère, un salutaire “retour de la terre à la sauvagerie” (JS 300). | |
12 | Plus que par l’appauvrissement de la terre, la
dégénérescence des jardins est exprimée par la redite — caractéristique des
périodes de décadence selon Winckelmann. Au début du livre, le contraste est
frappant entre l’originalité de la fiction et l’académisme de la statuaire
représentée composée de figures humaines — à l’exception du domaine des “faiseurs
de nuages” — souvent mythologiques. Les connaissances en histoire de l’art de l’auteur
rendent évident le caractère volontairement
néo-classique de ces statues dont l’académisme finit par être explicitement
dénoncé : “Il s’agissait d’un couple assis en train de s’embrasser sujet
relativement banal, et pourtant, comme nous étions loin ici de l’académisme qu’on
pouvait déplorer ailleurs !” (JS 99). La statue s’opposant à cet
académisme est Le Baiser de Rodin,
présenté par la fiction, au prix d’un renversement des dates, comme issu de l’impulsion
donnée à la production de ce domaine par le surgissement de L’Homme qui marche — qui date de 1907
alors que Le Baiser est créé aux
alentours de 1882. La découverte de la statue de L’Homme qui marche est un moment fort de l’exploration des domaines
par le voyageur. Là également, la statue est mise en opposition avec
l’académisme de la majorité de la production : | |
J’en vis beaucoup [des statues] qui me semblaient relever d’un académisme assez plat. […] Je connus aussi des moments de joie intense, des moments de hauteur comme ce jour où je découvris dans un hangar un homme de pierre noire aux reflets bruns et vert sombre. C’était un homme qui marchait, mais sans bras ni tête, réduit, et je devrais peut-être mieux dire exalté, à la marche même. (JS 86) | ||
13 | Pour être bouleversante, l’apparition de L’Homme qui marche ne suffit pas à
sauver les jardins statuaires de l’académisme : l’œuvre régénère très
brièvement le domaine qui, lorsque le voyageur y revient, est envahi par “un
véritable académisme de l’avortement” (JS 390). Les jardins statuaires ne
peuvent échapper par eux-mêmes à la sclérose que l’aubergiste, notamment,
attribue à leur clôture : “Ce monde avare et renfermé, qui se survit
replié sur ses traditions caduques et égoïstes, borné dans ses murs, enclos
dans ses frondaisons, étranger à lui-même enfin à force de se soustraire à tout
commerce, que mérite-t-il, ce monde ?” (JS 212). | |
14 | L’œuvre
véritablement neuve ne peut germer dans une société refusant l’autre, Jacques
Abeille proposant ainsi une réflexion plus large sur la culture, qu’il applique
autant à notre société globalisée qu’à la société traditionnelle qu’il a inventée.
La condamnation de la société contemporaine que mène Jacques Abeille à travers Les Barbares et surtout La Barbarie repose en effet tout
particulièrement sur ce refus de l’altérité : | |
Le “moi’’ est un enfermement dont je souhaite me libérer, pas un champ d’investigation. Je suis beaucoup plus avide des autres : tout m’intéresse chez quelqu’un que je ne connais pas, son anatomie, sa voix, ses expressions, son visage, son histoire. Une question sous-jacente habite Les Barbares et La Barbarie : est-ce qu’on peut rester humain sans Autre ? Cela renvoie à cette mondialisation contemporaine qui éradique progressivement toute conception culturelle non normée.[21] | ||
Dans la société traditionnelle des jardins statuaires, les coutumes qui le préservent de cette modernité acculturatrice sont également source d’un refus de l’altérité que manifestent à la fois des exclusions sociales et des exclusions du champ artistique, en particulier des statuettes de bois de l’aubergiste. De cette façon, en tant qu’élément étranger, le voyageur ne joue pas seulement le rôle neutre d’un observateur, mais est indissociablement un ferment d’ouverture et de destruction, comme le souligne l’aubergiste : “[…] C’est pour vous avoir vu chercher, et vous avoir admiré, que je suis en quête et me soucie de votre témoignage. […] Et dites-moi, si quelque catastrophe vient frapper ce monde, dans quelle mesure serez-vous capable d’évaluer la responsabilité qui vous reviendra ?” (JS 212). Cependant, ni son intervention, ni celle des barbares n’ont finalement le caractère régénérateur escompté : lorsqu’un nouveau voyageur revient dans les jardins statuaires, dans Les Barbares, les domaines se consacrent à la culture des fruits et légumes, la culture des statues n’existant plus que dans un seul domaine et de façon clandestine. | ||
Trouvailles et métamorphose : un surréalisme mémoriel | ||
15 | On ne peut ainsi s’opposer à la mort des civilisations. L’art reste pourtant, dans les marges, comme une survivance, ou une ruine. Il devient l’objet d’une problématique quête des traces, mise en scène dans Les Barbares. Jacques Abeille rejoint la fascination de toute une part de la littérature contemporaine pour la mémoire, pour la trace que met en évidence notamment Nella Arambasin : | |
L’engagement d’une littérature d’arme est devenu celui d’une littérature de trace préoccupée non seulement par la médiation entre les générations, mais aussi par les marques de l’histoire, le marquage même d’une mémoire sur laquelle planerait une menace, escamotage ou disparition. L’inquiétude concerne les conditions de possibilité d’une transmission de l’héritage patrimonial au futur ce n’est pas le passé qui s’oppose, mais la configuration au présent des repères identitaires d’un monde de plus en plus normé et uniformisé.[22] | ||
Cette recherche des vestiges de civilisations passées ou en voie de disparition est plus largement au cœur du Cycle des contrées dont Les Jardins statuaires est le roman germinal. Cette constellation de romans et de récits invente toute une série de variations autour des statues brisées, ruinées, saccagées, que met en images de façon spectaculaire François Schuiten dans le roman graphique qu’il cosigne avec Jacques Abeille : Les Mers perdues.[23] Chez Abeille comme chez Malraux, la sculpture apparaît comme l’art “énigmatique” par excellence : “Aucun art n’est plus chargé du langage des artistes dont nous avons oublié la foi et la race, de la présence de l’art dans ce qu’elle a de plus énigmatique.”[24] La sculpture “porte en soi la séparation”[25] : si la formule appliquée par Dominique Vaugeois à l’œuvre de Malraux paraît rendre compte du rapport d’Abeille à la sculpture, les deux auteurs divergent dans le rôle qu’ils accordent au savoir sur l’œuvre d’art, ou plutôt à sa perte. La disparition de la civilisation donnant son sens premier à l’œuvre semble dans les deux cas soutenir l’émotion que procure la sculpture. Toutefois, alors que Malraux postule l’inaccessibilité du sens originel de l’œuvre[26], dans les fictions d’Abeille les personnages déploient tout un savoir ethnologique pour reconstituer ce contexte premier. Au final, il reste tout autant que chez Malraux hors de portée, mais le rayonnement de l’œuvre d’art provient de la persistance d’une tension désirante vers le passé de l’œuvre, qui l’assimile, tout particulièrement dans Les Jardins statuaires, à la trouvaille surréaliste. | ||
16 | L’Amour fou apparaît en effet comme un interprétant des Jardins statuaires qui inscrit la pensée de Breton dès son orée : “Pourtant d’autres contrées sont à venir. Il y aura des pays” (JS 11) forme, à la première page du texte, une référence transparente au “Il y aura une fois” de Breton, article qui dans Le Surréalisme au service de la révolution prônait la “vertu pratique de l’imagination”[27] – sa capacité à fonder le réel. Par la suite, Abeille inclut dans son roman les deux objets à partir desquels Breton élabore dans L’Amour fou la théorie de la trouvaille : le demi-masque de métal et la cuiller en bois-soulier de Cendrillon, transformée dans le roman en sabots de petite fille. Ces derniers font l’objet d’une véritable trouvaille (JS 192), tandis que le masque est représenté par les statues de métal forgées par le gardien du gouffre, qui tiennent “du masque et de la plaque votive” (JS 415). Le lien du roman avec L’Amour fou est confirmé par la réaction du voyageur à la découverte des sabots : | |
[…] il me semblait être la proie de je ne sais quel nœud de sentiments, comme si, à la faveur de quelque méandre du temps, il m’était donné de vivre deux fois le même émoi, mais cette sensation était si subtile, si brillante, que je ne pus, tant que je l’éprouvais, retrouver dans ma mémoire la trace de l’instant originel qui venait doter le présent d’une si troublante épaisseur. Je cherchais en vain quel autre témoignage de l’enfance m’avait à ce point bouleversé dans le passé. (JS 192-193) | ||
De même, dans L’Amour fou, le sentiment provoqué par la cuiller-soulier reste d’abord obscur, et trouve un ancrage dans l’enfance, en l’occurrence dans une rêverie sur le soulier de Cendrillon : “la cuiller de bois répondait à une nécessité analogue, bien que, comme il s’agit de moi, cette nécessité me soit demeurée longtemps plus obscure” “Le manque, éprouvé réellement, de cette pantoufle, m’inclina à plusieurs reprises à une assez longue rêverie, dont je crois dans mon enfance retrouver trace à son propos”[28]. | ||
17 | Cependant, dans le cas des sabots, la force émotionnelle de la trouvaille est liée de façon bien plus insistante au passé et à la mémoire. Si les deux objets renvoient chacun à la pantoufle de Cendrillon, cet “objet perdu”[29] par excellence, les sabots de la petite fille sont littéralement des souliers perdus, dont la propriétaire devenue adulte est retrouvée par le voyageur et sa compagne (JS 435) : ils sont la trace dans la fiction d’un passé aboli. En même temps, ils sont également une ouverture vers une infinité de possibles et comparés à une “pousse de statue”, cet “œuf qui recèle un nombre infini de possibilités” (JS 24) : | |
[…] je sais maintenant quel souvenir me hantait lorsque nous avons trouvé les petits sabots. Ils ont éveillé en moi exactement l’émotion que j’éprouvai la première fois que je suis entré sur un domaine, quand on m’a mis dans les mains une toute jeune pousse de statue. (JS 196) | ||
Si la trouvaille bretonienne est le “catalyseur”[30] répondant au présent à une nécessité intérieure de l’individu, la trouvaille des souliers tend au contraire à éliminer le présent dans la superposition d’un passé et d’un avenir, la coïncidence d’ “Il était une fois” et “Il y aura une fois”. | ||
18 | En marge des développements du roman sur la
valeur des statues, la trouvaille des sabots nous paraît ainsi porter sa leçon
esthétique majeure, que confirme le lien établi par l’aubergiste entre mémoire
et imagination dans sa condamnation des jardiniers : “La mémoire, et
surtout l’imagination, chez les hommes d’ici, sont trop pauvres. […] Je veux
dire qu’ils finissent par ne connaître que ce qu’ils voient” (JS 139). Cette
doctrine esthétique est à première vue bien classique de la part d’un
surréaliste : pour lutter contre une civilisation technicienne oublieuse
de la culture et fermée sur elle-même, elle paraît prôner l’imitation des
anciens. Il ne s’agit bien sûr pas de cela. L’œuvre laissée par le passé tire
sa fécondité de son caractère désaffecté, qui fait d’elle l’énigme d’une
altérité radicale. Les petits sabots ne prennent leur valeur que parce qu’ils
sont perdus, dans un domaine ruiné, trace d’une vie à jamais inaccessible. L’identification
de leur ancienne propriétaire, une prostituée, est douteuse, de l’ordre de la “légende”, et le passé qu’elle suggère
reste impensable : | |
J’ai voulu rassurer Vanina. Des souvenirs cruels l’égaraient,
assurais-je, et rien n’était fondé dans les rapprochements qu’elle évoquait.
Mais à peine l’avais-je convaincue que je me suis mis à mon tour à croire en
cette légende. La mère de l’enfant que nous avions recueillie avait eu, elle aussi, une enfance les petits sabots en gardaient la creuse et énigmatique empreinte. Peut-on penser l’enfance d’une prostituée ? (JS 436, c’est moi qui souligne) | ||
Chez Jacques Abeille, la trace est avant tout cela : un “creux”. Alors que le monde des jardins statuaires meurt de sa clôture et de sa plénitude[31], l’œuvre du passé ouvre un espace au sein du monde où peut jouer l’imagination. | ||
19 | Les petits sabots en effet sont à la fois un paradigme et un hapax dans l’œuvre : le choc de la rencontre esthétique s’y applique par ailleurs à des œuvres d’art, d’une part (et non à des objets), et à des œuvres héritées d’une civilisation perdue, ou d’un état antérieur de la civilisation. C’est le cas de L’Homme qui marche, qui n’est pas donné comme une innovation, mais comme relevant d’un genre oublié de statues, les “statues énigmatiques” (JS 92). Le roman met ainsi en scène la variabilité de l’acceptabilité sociale de l’art : les statues énigmatiques — qui sont des statues présentant une figure humaine incomplète, mutilée — exclues dans cette période néo-classique du champ de l’art tendent à y être réintégrées selon un processus mêlant l’initiative individuelle (le doyen d’un domaine), la pression de groupes sociaux dominés (les jeunes, les femmes) et une manière d’esprit du temps, la fébrilité d’une société mourante, proche de la catastrophe qu’est l’invasion barbare. | |
20 | Mais cette réhabilitation de L’Homme qui marche évoque également de façon significative la métamorphose du regard malrucienne — notons par ailleurs que l’incomplétude des statues énigmatiques incarne à même les œuvres l’essence de la statuaire malrucienne. Pour Malraux, l’abandon moderne de l’esthétisme a permis la reconnaissance du “mystérieux pouvoir” d’œuvres répondant à d’autres critères que la beauté : | |
Les hommes pour qui l’art existe […] ne s’unissent point par leur raffinement ou leur éclectisme, mais par leur reconnaissance du mystérieux pouvoir qui, transcendant l’histoire grâce à des moyens qui ne sont pas ceux de la “beauté”, rend présentes à leurs yeux telles peintures préhistoriques dont le mot magie n’explique nullement les formes, les statues sumériennes dont ils ne connaissent guère que les noms, et la Dame d’Elche, dont ils ignorent tout.[32] | ||
Abeille
radicalise cette ignorance du contexte premier de l’oeuvre, pour jouer à plein
sur la tension entre la conscience de son appartenance à un passé et l’inaccessibilité
de celui-ci. Certes, cette tension est également posée par Malraux, qui n’a de cesse de souligner le rapport particulier
au temps qui fonde la “métamorphose” de l’œuvre d’art : | ||
La précision qu’apporte l’histoire aux conquêtes de l’art approfondit leur sens, mais n’en rend jamais complètement compte, parce que le temps de l’art n’est pas la durée de l’histoire. […] le passé d’un tableau n’appartient pas tout à fait à un temps révolu, et n’appartient pourtant pas au présent.[33] | ||
Dans une formule parlante, Henri Godard peut ainsi écrire : “Le privilège et le mystère de l’art sont dans ce double temps — dans la mesure où il reste en effet double.”[34] Mais d’une part, Malraux fait reposer l’émotion procurée au présent par la sculpture sur une recontextualisation tandis qu’Abeille fait porter l’accent sur son altérité. D’autre part, Abeille, tout en mettant en scène la quête de ce passé, suggère que sa connaissance, plus qu’insuffisante, est nuisible, parce qu’elle empêche le réinvestissement de l’œuvre. On peut d’ailleurs supposer que le faible effet de la statue de L’Homme qui marche vient de sa réinscription dans une tradition par le biais des gloses dont elle est l’objet (JS 91-92), dans le cadre de la cérémonie initiatique de deux adolescents. Le premier la rattache à la tradition des statues énigmatiques, le second formule une sentence révélatrice : | ||
Si on brise la statue, on ne trouvera rien Elle est si pleine qu’elle n’a pas d’intérieur. (JS 92) | ||
21 | Une autre œuvre au contraire interdit la recontextualisation tout en exhibant son altérité : la mosaïque de la cité du désert, qui représente une cavalière se penchant sur un homme blessé d’une flèche. Cette œuvre, appartenant à une civilisation disparue, et inconnue de surcroît, ne permet pas au regardeur de mener une analyse iconologique du motif, et en particulier de l’expression ambiguë de l’homme : | |
Mais — était-ce quelque accident de la matière rebelle au dessein de l’artisan ou suprême habileté de celui-ci ? — on ne pouvait démêler sur les traits de la victime l’expression de la souffrance et, surtout, de l’épuisement, d’un reflet de joie extatique si intense, si rayonnante que le sourire presque divin de la cavalière penchée semblait bientôt n’en être plus que l’écho atténué. (JS 265) | ||
Détachée de sa signification première, la mosaïque constitue un appel à des significations nouvelles, qui joue à longue portée dans l’œuvre d’Abeille : message énigmatique pour le voyageur[35], elle est la préfiguration de la mort du prince des barbares à la fin des Barbares : | ||
Elle tenait devant elle son arc bandé et […] lâcha sur lui un trait qui le projeta hors de sa selle. Elle passa comme la foudre auprès de sa victime, se penchant sur lui comme pour s’assurer qu’elle l’avait mortellement blessé. Renversé sur le sable, il levait une main sans que l’on pût deviner s’il voulait écarter la cavalière ou s’il lui faisait accueil.[36] | ||
Par rapport au destin du prince et à sa rencontre avec la cavalière, la mosaïque fonctionne comme, dans L’Amour fou, “La nuit du tournesol” à l’égard de la rencontre avec Jacqueline Lamba, le poème formant une représentation anticipée de l’aventure vécue. La comparaison fait toutefois apparaître un glissement essentiel : ce n’est plus l’œuvre d’un individu, exprimant son désir, qui prend chair dans la rencontre avec une femme, mais l’œuvre anonyme, expression de toute une culture ruinée lui conférant son “aura”[37], qui trouve une incarnation imprévue et lui donne un sens neuf. | ||
22 | Cette mise en jeu de la mémoire culturelle ne doit ainsi pas être confondue avec un culte du passé. Celui-ci est d’ailleurs donné comme littéralement mortifère au sein de la fiction : les statues d’ancêtres, qui représentent des jardiniers défunts dans un style uniformément archaïque, provoquent la mort du “modèle” lorsqu’elles surviennent de son vivant. Le voyageur, défini comme “quelqu’un qui fait place” (JS 251), se dérobe à l’identification quand surgit la statue le représentant : “[…] j’attendais celui qui viendrait se reconnaître dans sa statue et, dans le renoncement, lèverait le maléfice qui empoisonnait toute la contrée. Un jour, j’ai su que le désastre était irréversible et que le voyageur ne reviendrait pas”, déclare le doyen du domaine dans Les Barbares[38]. Le voyageur contrarie de la sorte l’articulation entre le signe iconique et son objet, en laissant fondamentalement incomplète cette œuvre, dont l’appel à la ressemblance n’est pas rempli, empêchant irrémédiablement la reconstitution de la tradition dont témoigne la statue tout en laissant subsister sa trace. | |
⁂ | ||
23 | Fable esthétique défendant l’inspiration contre la technique, Les Jardins statuaires échappe très largement à cette opposition simple pour penser de façon originale le rapport de l’art à la mémoire. Le pessimisme culturel de Jacques Abeille devient le point de départ d’un renouvellement de l’esthétique surréaliste. En effet, la création véritablement inspirée va provenir du choc d’une œuvre qui, chez Abeille, tend à être un vestige d’une civilisation passée. L’écrivain fond de la sorte la trouvaille surréaliste avec la métamorphose malrucienne : en radicalisant la perte du contexte premier de l’œuvre d’art, il fait reposer sur la quête inassouvie de ce savoir le magnétisme de l’œuvre. Il ne s’agit pas tant de mettre l’accent sur la réappropriation, au présent, d’une œuvre du passé, que de fonder la force de l’œuvre sur son lien à un passé englouti. Sa puissance de renouvellement créateur provient ainsi de cette faille impossible à combler, où peut s’inscrire l’œuvre nouvelle. Si Les Jardins statuaires sont l’origine du Cycle des contrées, c’est que le texte joue lui-même ce rôle de vestige d’un passé disparu, lacunaire et ambigu, en inscrivant en son sein une faille, ce trou qui se révèle, finalement, l’essence du livre comme de la statue : “un vrai livre n’existe que s’il recèle un creux d’ombre qui est son âme – comme il en faut dans une statue de bronze”.[39] | |
Ivanne Rialland Université Paris-Sorbonne/IUT de Marne-la-Vallée | ||
Notes
[1] Jacques Abeille, Les Jardins statuaires (1982), Paris / Le Rayol, Attila, 2010, p. 434, dorénavant JS.
[2] Jacques Abeille dans François Schuiten et Jacques Abeille, Les Mers perdues, Paris, Attila, 2010, p. 92.
[3] Alain Veinstein, Du jour au lendemain, France Inter, émission diffusée le 22 juin 2011, consulté le 08/01/14.
[4] Jacques Abeille, Les Barbares et La Barbarie, Paris, Attila, 2011.
[5] Jacques Abeille, propos recueillis par David Caviglioli dans “En France, on condamne l’imagination”, BiblioObs, 19 novembre 2011, consulté le 22/04/13.
[6] Ibid.
[7] Jacques Abeille, Pierre Molinier, présence de l’exil, Pessac, Opale Bordeaux, Pleine page, 2005, p. 77-78.
[8] Ibid., p. 105.
[9] Ibid.
[10] Les statues sont certes vendues, mais à l’étranger, et ce commerce reste un en-dehors du texte, tandis que les domaines eux-mêmes vivent en vase clos et ignorent la division du travail (JS 30 et 39). Par ailleurs, le roman révèle vers sa fin la mévente des statues, qui ne modifie en aucun cas leur production: “Il faut dire aussi que nous vendons très peu de statues à l’étranger. Il n’est pas rare qu’il faille déposer des récoltes entières” (JS 244).
[11] “Cette région, qui nous est intérieure […], est en même temps la vie même de la nature créatrice qui nous baigne de toutes parts”, Albert Béguin, L’Âme romantique et le rêve. Essai sur le romantisme allemand et la poésie française (1939), Paris, Corti, 1974, p. 77.
[12] Johann Joachim Winckelmann, Histoire de l’art chez les Anciens, Michael Huber (trad.), Paris, Barois aîné, t. II., 1789, p. 5-6.
[13] C’est ce que souligne Nella Arambasin dans Littérature contemporaine et histoires de l’art. Récits d’une réévaluation, Genève, Droz, 2007, p. 22 notamment.
[14] Jacques Abeille, La Barbarie, op. cit., p. 75 sq.
[15] “La sensation décisive dans l’élaboration d’une forme était purement tactile. Ainsi reprit-elle le modelage en se bandant les yeux”, ibid., p. 77.
[16] “Toutes les créatures les plus obscènes et les plus hallucinantes que le cauchemar puisse engendrer semblaient se retrouver là, figées dans leurs grimaces, la bouche distendue et le sexe monstrueusement évident” (JS 148).
[17] Le narrateur des Barbares et de La Barbarie est par exemple un universitaire spécialiste d’ “archéologie contemporaine” (Jacques Abeille, La Barbarie, op. cit., p. 48).
[18] “Chez les jardiniers le matériau noble est la pierre, et puis, immédiatement, l’eau. Et, comme vous l’avez vu, on ne violente rien dans les domaines. On pousse dans le sens de la nature on l’aide. Lui, il travaille le fer, avec le feu, et en frappant. Il y a une sorte de pouvoir chez lui, une violence peut-être […]” (JS 119).
[19] Jean Arp, “Art concret”, Jours effeuillés. Poèmes, essais, souvenirs 1920-1965 (1966), Marcel Jean (préf.), Paris, Gallimard, 2009, p. 183.
[20] Si la valeur attribuée aux statues de Giacometti, symptôme, mais aussi symbole artistique de l’épuisement vital, est ambiguë, l’accent mis sur la répétition de celles-ci suggère la condamnation d’un académisme de la maigreur: “En d’autres termes ces statues ne semblaient indéfiniment témoigner que d’une seule chose: que la vie est un inlassable épuisement” (JS 142).
[21] Lémi, “Jacques Abeille: ‘J’écris comme je rêve’”, Article11, n° 10, mars 2013, consulté le 21 février 2014.
[22] Nella Arambasin, op. cit., p. 29-30.
[23] François Schuiten et Jacques Abeille, Les Mers perdues, op. cit.
[24] André
Malraux, “Introduction au premier musée imaginaire de la sculpture mondiale”, Écrits sur l’art, Paris, Gallimard, 2004,
<Bibliothèque de la Pléiade>, t. I, p. 965.
[25] Dominique Vaugeois, “André Malraux: le non-lieu de la sculpture”, Écrire la sculpture (xixe-xxe siècles), Ivanne Rialland (dir.), Paris, Classiques Garnier, 2012, <Rencontres>, p. 29.
[26] “[…] quel est le mode d’existence de ces œuvres dont la civilisation a disparu, quelle relation pouvons-nous entretenir avec elles? Ni celui de la connaissance, répond Malraux – l’œuvre n’est pas un document pour l’historien – ni celui de l’expérience originelle – les conditions de leur création et de leur réception initiale ou idéale ont disparu définitivement – et pourtant elles ne sont pas mortes. Rien n’explique cette émotion et ce dialogue […] sauf l’hypothèse de la participation à l’Art, conçu comme mode d’interaction caractéristique d’une modernité capable d’esthétiser les œuvres du passé.”, ibid. p. 31.
[27] André Breton, “Il y aura une fois”, Le Surréalisme au service de la révolution, n° 1, juillet 1930, p. 3.
[28] André Breton, L’Amour fou (1937), Œuvres complètes, Marguerite Bonnet (éd.), Paris, Gallimard, 1992, <Bibliothèque de la Pléiade>, t. II, p. 701 et 702. C’est Breton qui souligne.
[29] Ibid., p. 707. C’est Breton qui souligne.
[30] Ibid., p. 701.
[31] Les Jardins statuaires représente ainsi un domaine ruiné par la prolifération de la pierre remplissant tout l’espace disponible, dans un fantasme claustrophobe où le voyageur et sa compage rampent à l’intérieur d’un congomérat monstrueux de statues.
[32] André
Malraux, “Introduction générale à La
Métamorphose des dieux”, Écrits sur
l’art, Paris, Gallimard, 2004, <Bibliothèque de la Pléiade>, t. II,
p. 7. C’est Malraux qui souligne.
[33] André
Malraux, Les Voix du silence. Écrits sur l’art, op. cit., t. I, p. 879.
[34] Henri
Godard, “Introduction”, André Malraux, Écrits
sur l’art, op. cit., t. II., p.
XII. C’est Henri Godard qui souligne.
[35] “Je voyais bien ce que la coïncidence entre cette mosaïque maintenant étendue à mes pieds et les événements de la matinée pouvait avoir de frappant, mais précisément le rapprochement s’imposait si fort à mon esprit qu’il m’empêchait, du moins le craignais-je, de bien reconnaître de quel message pour moi seul était chargée cette image” (JS 265).
[36] Jacques Abeille, Les Barbares, op. cit., p. 523.
[37] “Et nous savons mal de quoi est faite l’aura qui émane d’une statue sumérienne, mais nous savons bien qu’elle n’émane pas d’une sculpture cubiste.”, André Malraux, Les Voix du silence, op. cit., p. 260.
[38] Jacques
Abeille, Les Barbares, op. cit., p. 331. Pour l’apparition de
la statue, voir JS 374 sq.
[39] Jacques
Abeille, La Barbarie, op. cit., p. 65.
2012 | Revue critique de fixxion française contemporaine | (ISSN 2033-7019) | Habillage: Ivan Arickx | Graphisme: Jeanne Monpeurt
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